Le maire de cette station balnéaire, Ferdinand Bernhard, a pris un arrêté interdisant les déplacements à plus de 10 mètres du domicile.

L’arrêté fait référence à la nécessité d’éviter la propagation du virus et des violations des mesures de confinement préexistantes.

Cet exemple permet de s’interroger sur la possibilité pour un élu local de prévoir des mesures plus strictes que le cadre fixé au niveau national.

L’épidémie inédite entraine des mesures exceptionnelles, mais les décisions locales doivent être conformes à l’état de droit et à la protection des libertés publiques.

Concernant cette commune, la mesure semble plus que discutable…

Le cadre légal des mesures de confinement

Depuis le début de la crise du coronavirus, l’Etat s’est appuyé sur l’article L.3131-1 du code de la santé publique:

« En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ».

Ce texte est le support légal du décret gouvernemental « de confinement » n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19.

L’arsenal juridique a ensuite été complété par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 qui pour l’essentiel, crée l’état d’urgence sanitaire et donne de (trop ?) larges prérogatives au gouvernement pour prendre toutes mesures utiles.

Un Maire peut adapter ces mesures localement

Toutes les mesures de prévention peuvent être complétées au niveau local, par les préfets (en leur qualité de représentant de l’état) ou par les maires qui disposent d’un pouvoir de police général.

Le pouvoir de police du Maire lui permet de prendre des mesures plus sévères, sous réserve d’une justification quant aux circonstances et ce en veillant à la proportionnalité aux libertés publiques et individuelles.

On peut citer sur ce point des « grands arrêts » du Conseil d’Etat, tel que les arrêts Benjamin (1933) et Lutétia (1959) qui ont posé ces principes.

Pour revenir à la situation actuelle, un Maire peut donc prendre un arrêté comprenant des mesures plus strictes de confinement ou de restrictions aux espaces publics en fonction des particularités locales.

Afin d’obtenir l’adhésion de la population et de préserver l’équilibre psychique du plus grand nombre, les pouvoirs publics ont créé une sorte de droit fondamental à l’exercice physique, dans la limite d’une heure par jour et dans un rayon d’un kilomètre autour du domicile.

Le gouvernement a précisé la durée et la distance de ce droit à l’activité physique suite à l’ordonnance du Conseil d’état du 22 mars 2020 (sur la demande de confinement total), qui a constaté l’imprécision du décret initial du 16 mars 2020.

Ce droit a été adapté localement par la plupart des élus, avec des arrêtés afin d’empêcher l’accès aux lieux habituellement très fréquentés (plages, parcs, bord de mer…), le but étant d’éviter des regroupements.

On pourrait également imaginer des mesures de confinement plus sévères dans une commune qui serait particulièrement touchée par le virus, comme cela a pu être fait en Italie du nord.

C’est là où le bât blesse pour le Maire de Sanary-sur-Mer…

En effet,  aucune circonstance particulière ne semble caractérisée, ce qui pourrait justifier une restriction supplémentaire aux libertés publiques.

L’arrêté se contente de faire référence à des généralités comme la lutte contre la propagation du virus et le fait « qu’une partie de la population ne tient pas compte des limitations ».

Surtout, la limite de 10 mètres à proximité du domicile semble particulièrement restrictive et constitue à l’évidence une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir des administrés.

Le recours à l’encontre d’un arrêté illégal

Le préfet dispose d’un pouvoir de contrôle de légalité en vertu de l’article 72 de la Constitution.

Cette faculté permet au préfet, dès lors qu’il identifie un acte potentiellement illégal, de le déférer devant le tribunal administratif, qui lui seul pourra l’annuler.

En dehors des pouvoirs du préfet, toute personne intéressée peut saisir le tribunal administratif.

Cela signifie que toute personne résidant dans cette commune peut saisir le tribunal administratif pour faire annuler cet arrêté, dont l’illégalité semble évidente.

L’épidémie de Covid-19 est une situation particulièrement préoccupante, mais qui mérite tout de même une certaine vigilance quant aux mesures prises par les pouvoirs publics.

S’il est évident que le respect des mesures de confinement s’impose, les dérives liberticides de certains élus doivent être surveillées… et éventuellement sanctionnées.

Raphaël Chekroun

SCP BALLOTEAU LAPEGUE CHEKROUN

Avocat associé

Barreau de La Rochelle-Rochefort.

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