A l’occasion d’une manifestation contre le pass sanitaire, une jeune femme avait brandi une pancarte mentionnant diverses personnalités apparentées à la communauté juive, avec l’inscription « traitres » et « mais qui ? » ornée d’un dessin de cornes diaboliques.

Ce message antisémite a logiquement choqué et donné lieu à des poursuites sur le fondement de la provocation à la haine raciale.

Un débat sur la pancarte antisémite devant le tribunal correctionnel

Cassandre Fristot, enseignante et ex-membre du FN, était convoquée devant le tribunal correctionnel de Metz (Moselle) le 8 septembre 2021.

Le parquet a requis trois mois de prison avec sursis. La défense a demandé sa relaxe.

Cette sinistre affaire présente un intérêt sur la notion de provocation à la haine raciale, puisque si le message est assez évident, il ne comporte pas explicitement le nom de la communauté qu’il cible.

Il peut donc y avoir un débat juridique sur la matérialité de l’infraction.

La provocation à la haine raciale suppose des propos vers une communauté déterminée

L’article 24 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprime la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Ce délit a été créé suite à un décret-loi du 21 avril 1939, puis une loi du 1er juillet 1972, puisque à l’origine, la loi du 29 juillet 1881 ne comprenait aucune disposition particulière sur les propos racistes.

Pour que cette infraction soit constituée, il faut viser un groupe de personnes déterminé, puisque des propos qui ne visent pas un groupe en raison de leur religion, mais seulement certaines personnes, ne caractérisent pas l’infraction (Cass. crim., 15 oct. 2019,n° 19-81.631)

Pour résumer, il faut démontrer l’existence de propos diffamatoires ou injurieux dirigés à raison de la race ou de la religion.

On pourrait donc penser que le slogan « mais qui ? » échappe aux poursuites puisque en tant que tel, il ne vise pas spécifiquement une communauté.

La jurisprudence analyse le fond des messages de haine

Les porteurs de ce message recherchent très certainement la limite de ce qui est tolérable juridiquement afin de diffuser des préjugés racistes.

Ils ignorent sans doute que la jurisprudence recherche le lien de causalité intellectuellement établi entre le mépris jeté sur la personne et la race de celle-ci (Cass. crim., 20 févr. 1990).

En d’autres termes, cela signifie que même si la communauté n’est pas expressément désignée, les propos sont condamnables, s’il est reproché à autrui, à raison de sa race ou de sa religion, d’avoir fait telle chose ou d’être de telle façon.

Dans cette affaire, plusieurs noms de personnalités sont listés, dont une majorité sont réputés membres de la communauté juive.

En dehors de cette appartenance supposée, le lien entre les différentes personnalités est ténu, puisque on retrouve des personnalités du monde politique, des affaires et des médias dont certains étrangers.

L’avocat de la défense a indiqué que sa cliente n’avait pas de message antisémite, mais qu’elle souhaitait dénoncer le rôle des « puissants ».

Ces explications ne semblent pas convaincantes et il faut remarquer que le message relayé par la pancarte est un poncif traditionnel de l’antisémitisme, à savoir un prétendu complot juif.

Sans préjuger de la décision de justice à venir, le délit de provocation à la haine raciale semble caractérisé et devrait exposer la prévenue à une condamnation.

Le jugement a été mis en délibéré au 20 octobre.

Raphaël Chekroun

Avocat