Pratique barbare pour les défenseurs des animaux, tradition et identité régionale pour d’autres, la corrida suscite controverse depuis longtemps. Les premières interdictions remontent à un décret de Louis XIII en 1620. Par la suite, plusieurs textes se sont succédés pour aboutir à la situation actuelle, qui limite géographiquement cette pratique.

Nouvelle polémique en août 2019, avec la présence du Ministre de l’Agriculture à une Corrida organisée à Bayonne.

Cet article n’a pas pour but de se positionner sur le bien fondé d’une pratique historiquement débattue, mais de préciser le cadre juridique applicable.

Les sévices à l’égard des animaux sont prohibés depuis le XIXe siècle

Historiquement, les mauvais traitements sont réprimés depuis une loi dite loi Grammont du 2 juillet 1850 :

« Seront punis d’une amende de cinq à quinze francs, et pourront l’être d’un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques. »

Le texte de 1850 concernait uniquement les animaux domestiques qui subissaient des mauvais traitements en public, ce qui signifie que les sévices étaient parfaitement autorisés… dès lors qu’ils étaient privés…

Le code pénal actuel prévoit une protection supplémentaire en son article 521-1 alinéa 1 :

« Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».

On relèvera que les animaux domestiques et en captivité sont protégés, et que les peines encourues sont plus sévères.

Depuis 2015, l’animal est également reconnu comme un «être vivant doué de sensibilité» dans le Code civil (nouvel article 515-14) et non plus comme une simple chose meuble.

Une exception permettant l’organisation de corridas

Au vu de ces principes, et sans rentrer dans des considérations morales, la corrida serait illégale, s’il n’existait pas un alinéa 7 à l’article 521-1 du code pénal :

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie. »

Ainsi, bien que constituant des actes de cruauté, le législateur exonère les auteurs de la corrida des sanctions dont ils devraient faire l’objet en vertu de l’alinéa 1, à savoir deux d’emprisonnement et 30.000€ d’amende.

Une exception largement imprécise

Cette exception correspond à une jurisprudence ancienne, qui s’est développée dans les régions pratiquant la tauromachie.

La Cour d’appel de Toulouse a, dans un arrêt du 3 avril 2000, précisé l’exception jurisprudentielle :

« il ne saurait être contesté que dans le midi de la France entre le pays d’Arles et le pays basque, entre garrigue et méditerranée, entre Pyrénées et Garonne, en Provence, Languedoc, Catalogne, Gascogne, Landes et Pays Basque existe une forte tradition taurine qui se manifeste par l’organisation de spectacles complets de corridas de manière régulière dans les grandes places bénéficiant de structures adaptées permanentes et de manière plus épisodique dans les petites places à l’occasion notamment de fêtes locales ou votives ».

Juridiquement, cette solution présente un inconvénient majeur par son imprécision, puisque la notion de «tradition locale ininterrompue» est vague et ne permet pas de cerner précisément le secteur géographique ni la durée requise de l’interruption.

Le Conseil Constitutionnel s’est prononcé en 2012 sur une question prioritaire de constitutionnalité (Décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012 Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre) et a décidé  que cette notion est suffisamment précise pour garantir contre tout risque d’arbitraire.

Pour l’essentiel, le Conseil constitutionnel retient qu’il appartient aux juridictions d’apprécier les situations de fait au cas par cas.

Ce cadre juridique semble se positionner à l’image de la société : un embarras entre protection animale et attachement aux traditions… dans l’attente d’une modification éventuelle de l’article 521-1 du code pénal.

 

Raphaël Chekroun

Avocat au barreau de La Rochelle.

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